Clyde Tombaugh, l’homme qui a frôlé Pluton avec une console de jeux

Pluton a certainement un destin aussi singulier que celui de Clyde Tombaugh. Une partie de ses cendres ont été envoyées dans la sonde d’exploration New Horizons, qui a frôlé la planète naine, qui entre temps n’en était plus une, grâce à une pièce de Playstation.

A la recherche de la planète X

Clyde Tombaugh a certainement connu un destin auquel ce fils d’agriculteurs de l’Illinois ne s’attendait pas.

Enfant, le petit Clyde apprend à regarder les étoiles avec l’aide de son père et de son oncle, tous les deux passionnés d’astronomie. Il attrape le virus de la science, en même temps qu’il apprend le travail d’agriculteur. Sur son temps libre, il récupère des pièces de machines agricoles et fabrique des lunettes et télescopes.

Il parvient à observer les planètes du système solaire, et, un jour, alors qu’il montre un de ses dessins à son père, ce dernier lui suggère de demander un avis de professionnel, tant ils lui semblent qualitatifs.

Curieux, Clyde envoie un dessin de Jupiter et un de Mars à l’observatoire Lowell, en Arizona.

Quelques semaines plus tard, Clyde obtient sa réponse. Mais pas exactement celle qu’il attendait : alors qu’il voulait juste un avis, c’est une offre d’emploi, signée Vesto Slipher, directeur de l’observatoire, qu’il reçoit. Slipher a été grandement impressionné par le travail du jeune homme et souhaite l’engager pour une campagne de photographies sur le nouveau télescope, un engin de 13 pouces extrêmement performant.

L’objectif, localiser la Planète X prédite par Percival Lowell. Après une accumulation de galères, et un immense travail de patience, Tombaugh parvient, en 1930, à trouver une planète. Mais ce n’est pas la planète X : trop petite et trop peu massive. Clyde Tombaugh vient de découvrir Pluton.

Viré par Slipher, jaloux du jeune homme, Tombaugh se voit offrir ses études par l’université du Kansas. En 1939, Clyde Tombaugh, qui fabriquait ses télescopes à partir de vieilles pièces agricoles, est docteur en astrophysique.

Toute sa vie, il cherchera, en vain, la planète X. Il accumulera bon nombre de découvertes majeures et s’éteindra en 1997.

En route pour Pluton

En 2004, une équipe de la NASA sonne à la porte de la famille Tombaugh. Depuis plusieurs années, ils travaillent sur un projet colossal : envoyer une sonde vers Pluton. New Horizons, c’est son nom, aura pour mission de frôler la planète et de prendre un maximum de photographies. Elle poursuivra ensuite sa route vers l’espace interstellaire.

Et il reste une petite place sur la sonde. Ou plutôt, les ingénieurs de la NASA en ont fait une. Ce qu’ils proposent : envoyer une partie des cendres de l’astronome vers la planète qu’il a découvert. La famille accepte avec enthousiasme.

En janvier 2006, les enfants, petits enfants et arrière petits enfants de Clyde Tombaugh regardent la fusée Atlas V s’élever du pas de tir. Elle emporte la sonde New Horizons, sur laquelle a été fixé un petit compartiment qui contient une partie des cendres de l’astronome.

Pendant ce temps là, on joue aux jeux vidéo

Pour envoyer une sonde aussi loin, il fallait un processeur fiable, qui avait fait ses preuves, puissant et peu énergivore : l’alimentation de la sonde par panneaux solaires était, si loin de l’astre, quasiment impossible.

La solution vint d’un ingénieur de la NASA qui jouait aux jeux vidéo. Un vrai passionné : il guettait la moindre nouveauté, et s’était offert une Playstation à sa sortie. Deux ans plus tard, en 1996, il attendait avec impatience la Nintendo 64. Lisant la fiche technique, il constata, amusé, que les deux consoles partageaient le même microprocesseur, le MIPS R3000.

Un microprocesseur qui disposait de sa propre unité de calcul en virgule flottante, utilisait une architecture à instructions restreintes, qui lui permettait d’obtenir des performances élevées, sans pour autant être gourmande en énergie.

Et c’est ainsi qu’une console de jeux Playstation se retrouva un jour sur le bureau des ingénieurs de la future mission New Horizons. Et qu’une délégation de ces mêmes ingénieurs se retrouva en Californie, au siège de la société MIPS, pour leur demander de développer une version de leur processeur adaptée à la mission.

Si le processeur qui fut envoyé vers Pluton était plus performant que celui qui se trouvait dans les Playstation (la 1 et ensuite la 2) et Nintendo 64, il est impressionnant de se dire qu’il est beaucoup moins performant qu’un simple cœur de téléphone portable aujourd’hui. Et que ceci a permis à la NASA d’envoyer un engin à plus d’un milliard de kilomètres pour photographier une planète plus petite que la Lune.

Le dernier coup de poignard

Et voici donc Clyde Tombaugh qui file paisiblement vers Pluton. Paisiblement ? Dans l’espace seulement.

Huit mois après que la sonde ait pris son envol, un vote de l’Union Astronomique Internationale provoque en tremblement de terre dans le petit monde de l’astronomie : Pluton n’est plus une planète. De récentes découvertes ont poussé les astronomes à réévaluer la classification des objets.

Pluton est désormais un objet. Un objet transneptunien, pour être précis. Encore aujourd’hui, cette décision crée des tensions. Pas à cause des arguments développés par l’UAI, qui sont valables, mais par les conditions du vote qui a présidé à la décision, et surtout, surtout, parce que les américains viennent de perdre la seule planète qu’ils avaient découvert.

Le 14 juillet 2015, à 11 H 59 UTC, le rendez-vous a lieu : New Horizons survole Pluton à 11 000 kilomètres de distance. La sonde prendra plusieurs photos, dont la transmission prendra 15 mois au vu du très faible débit.

New Horizons poursuivra ensuite son exploration de la ceinture de Kuiper, au-delà de l’orbite de Pluton. Puis elle finira par en sortir, quittant le système solaire, emportant avec elle Clyde William Tombaugh, fils d’agriculteurs de l’Illinois au destin hors du commun.

Avatar

Guillaume

Passionné par l'espace et la littérature, je mets à profit ma vision du monde scientifique dans la rédaction de Science Expert en tant que journaliste indépendant. Je vis en Bretagne.

Articles connexes