Alimentation : l’élevage de poulpes pose des problèmes éthiques

Le nombre de fermes aquacoles ne fait que progresser dans le monde, la réponse à une demande croissante du marché de la consommation de poulpes (aussi appelés pieuvres).

Stress et confinement pour un animal intelligent

Pourtant, un grand nombre de personnes ne sont pas prêtes à en manger. Et l’intelligence éprouvée de ces espèces n’explique pas à elle seule la réticence des consommateurs. « Je connais des gens qui n’en mangeraient jamais mais qui n’ont aucun scrupule à manger des porcs, et il y a de nombreuses preuves qui démontrent que ce sont également des mammifères intelligents » explique le biologiste Rich Ross de l’Académie des sciences de Californie.

Parmi les personnes totalement qui déplorent l’aquaculture de pieuvres, on compte Jennifer Jacquet, professeur d’études environnementales à l’université de New York. Dans l’essai, « The Case Against Aquaculture » qu’elle a co-publié, elle se demande si les « conséquences éthiques et environnementales » de la production industrielle de viande devraient nous amener à nous demander si nous voulons répéter les même erreurs déjà commises avec les animaux aquatiques, en particulier le poulpe ».

Parmi les maux inhérents à cette activité, on distingue principalement le stress et la monotonie du confinement. Ils sont entre autres à l’origine taux de mortalité élevés et d’infections parasitaires chez les céphalopodes. De même, Jennifer Jacquet et son équipe soulignent le comble de la situation : « nourrir les poissons avec des poissons » que les humains pourraient manger eux-mêmes.

Sur le site internet de National Geographic Australie, un pêcheur du Portugal voisin déplore déjà l’épuisement des ressources. Il ne revient à quai qu’avec 10 ou 20 kilos de poulpes contre plus de 100 kilos les années précédentes. Avec ses camarades, il a demandé une fermeture temporaire de la pêche pour aider les stocks à se reconstituer. Même constat pour le pêcheur Antonio Cob Reyes, pêcheur dans le Yucatán. C’est un effet mécanique “Plus de pêcheurs, moins de poulpes » explique-t-il.

Les deux grands pays producteurs que sont le Maroc et la Mauritanie ont déjà pris des mesures pour tenter d’inverser la tendance, les captures sont désormais limitées.

De l’autre côté, les défenseurs de l’aquaculture ne manquent pas d’arguments. Ils affirment que l’élevage de poulpes est le seul moyen de préserver ces animaux aquatiques tout en répondant à la demande. Certains aspects du cycle de vie des poulpes en font des candidats intéressants pour l’aquaculture. A l’image du saumon, ils ont une espérance de vie limitée et présentent une croissance rapide.

La multinationale de pêche et de fruits de mer Grupo Nueva Pescanova mène ce qui semble être vraisemblablement la recherche la plus avancée en matière d’élevage de pieuvres. Son chef Ricardo Tur Estrada affirme non seulement que ses équipes sont parvenues à élevé des générations successives d’Octopus vulgaris – la pieuvre commune de l’Atlantique – mais ont également retardé l’extinction de la pieuvre.

L’élevage pourrait en outre nous aider sur le plan médical. Selon Ricardo Tur Estrada, les scientifiques ont identifié un quatrième stade du cycle de vie de la pieuvre commune qui n’avait jamais été identifié auparavant. Ils suggèrent que les animaux apprennent à utiliser leurs bras à ce stade durant lequel on pourrait “isoler les cellules souches”. L’objectif : mieux comprendre et éventuellement reproduire la capacité des poulpes à régénérer des membres perdus.

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steeve

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