Pourquoi les médias s’acharnent-ils contre la vape ?
Si vous utilisez une vaporette, vous avez probablement entendu parler des différents cas de vapoteurs tombés malades dernièrement aux Etats-Unis. Mais que se passe-t-il réellement là-bas ? La santé de tous les vapoteurs est-elle en danger ? Petit tour d’horizon de l’une des campagnes de désinformation les plus importantes dans l’histoire du vapotage.
Juillet : le commencement
Tout commence le 25 juillet avec un communiqué du département de santé du Wisconsin (Department of Health Services – DHS), qui fait part de 9 cas de « maladie pulmonaire grave chez des adolescents » habitant l’Etat. Alors que le DHS explique enquêter sur la cause de ces problèmes, il indique que tous les malades semblent avoir un point en commun : ils seraient vapoteurs. Les vapoteurs, que l’on compte par millions dans le monde, tomberaient alors soudainement malades ? Un sujet en or pour les rédactions pressées de faire de l’audimat.
Dès le 29 juillet, USA Today fait part des premiers cas de vapoteurs tombés malades, dans le Wisconsin
Août : les autorités de santé s’emparent du problème
Quelques semaines plus tard, le 14 août 2019, le centre américain de prévention des maladies (Centers for Disease Control and Prevention – CDC) publie un communiqué de presse indiquant qu’il enquête sur le cas de 94 personnes atteintes de problèmes pulmonaires à travers tout le pays. A l’époque, l’organisme de santé explique consulter les ministères de cinq Etats au sujet « d’un ensemble de maladies pulmonaires liées à l’utilisation de produits de la vape », tout en notant que « bien que certains cas dans chacun des États sont similaires et semblent être liés à l’utilisation de produits du vapotage, plus d’informations sont nécessaires pour déterminer ce qui cause les maladies ».
Sur Facebook, une internaute hospitalisée alerte ses abonnés sur les dangers de la cigarette électronique. Septembre 2019 Voir la traduction du post Facebook de Maddie Neslon
« S’il vous plaît, partagez autant que possible et à qui vous le
pouvez, je suis là pour faire de la sensibilisation #stopthevape
#truthorange #escapethevape
MISE À JOUR – Les nombreux
professionnels de santé qui travaillaient sur mon cas n’ont pas été en
mesure de trouver d’ingrédients ou de choses qui ont causé tous ces
problèmes. Mon diagnostic de pneumonie éosinophile aiguë a été
diagnostiqué à partir de quelque chose dans les nombreuses marques de
vape pens que j’avais utilisées.
Mes poumons se sont remplis
de liquide et mes reins ont été infectés par quelque chose et,
malheureusement, comme nous sommes la première génération à utiliser ces
produits, il n’y a pas encore assez de recherches pour savoir
exactement ce que c’était.
Je ne partage pas mon histoire
pour jouer un rôle de parent et vous dire d’arrêter, (même si oui, je
vous le recommande.) Je partage mon histoire pour que vous soyez tous
conscients qu’il y a quelque chose dans ces produits qui n’est pas sûr
et qui m’a presque coûté la vie. J’aimerais aussi remercier l’hôpital
des timbales et mes médecins extraordinaires qui ont travaillé très fort
pour m’aider, et un merci tout particulier à Brett Kay qui m’a
littéralement sauvé la vie. ♥️
Lien pour un GoFundMe que nous avons préféré masquer
Si quelqu’un veut m’aider à payer mes frais médicaux et à sensibiliser les gens, j’ai fait le lien avec le fonds de démarrage ci-dessus.
Pour tous ceux qui pensent que la vape est une alternative plus sûre que la cigarette, vous avez tort. Peu importe qu’il s’agisse d’un clearomiseur, d’un vape pen au THC ou d’un Juul, malheureusement, j’ai pu vivre cette expérience de première main et ce n’est pas amusant. J’ai dû être mis dans un coma artificiel avec un tube respiratoire dans la gorge. Je peux vraiment dire que cela a été l’une des choses les plus difficiles que j’ai eues à vivre et je ne le souhaite à personne. Avant, je me disais que ça ne m’arriverait pas à moi, mais ça peut t’arriver à toi aussi. J’écris ceci pour avertir tous mes amis parce que je connais la plupart d’entre eux, CELA PEUT VOUS ARRIVER. Je suis épuisée de me battre si fort et je ne peux même pas aller aux toilettes toute seule, je suis encore aux soins intensifs aujourd’hui et j’espère être transférée à l’hôpital. Pas plus tard qu’aujourd’hui, j’ai vu un article dans lequel 14 jeunes enfants se sont faits hospitaliser pour la même chose, suivez mon conseil, ne fumez pas, ne vapotez pas. #vape #stopthevape #stopthevapes #nosmoke TruthOrange truth ».
NDLR : ce post a été modifié par son auteure le 6 septembre (comme permet Facebook de le vérifier), car dans sa version originale, il n’était aucunement fait mention des termes « vape pen au THC ». Maddie aurait-elle commencé à reconnaître avoir vapoté des produits frelatés ? Nulle réponse à cette question puisque depuis cette publication, elle n’a plus jamais fait mention de ses problèmes de santé, probablement résolus depuis.
Il était aussi sûrement difficile de reconnaître publiquement, après avoir vu son post partagé plus de 1 000 fois, qu’elle avait fait une erreur en accusant la vape dans sa globalité.
Sur Facebook, les posts de personnes intoxiquées commencent à faire le tour du web, comme celui de Maddie Nelson, répandant une peur malheureusement infondée sur le vapotage, car nulle mention n’est faite d’une éventuelle consommation de produits frelatés, comme le soupçonnent déjà certains utilisateurs. Une question revenue à plusieurs reprises, et qui restera toujours sans réponse. La jeune fille aurait-elle quelque chose à cacher ?
D’autres internautes réagissent à sa publication et demandent quel type d’e-liquide la jeune fille utilisait. Sans obtenir la moindre réponse
Une semaine plus tard, le 23 août, un premier décès est signalé dans l’Etat de l’Illinois. Les Centers for Disease Control and Prevention publient alors un nouveau document indiquant que 193 personnes seraient désormais touchées par des problèmes de santé, tous présentant des symptômes similaires : difficultés respiratoires et essoufflement pouvant aller jusqu’à conduire à une hospitalisation. Lors de cette nouvelle prise de parole, l’organisation indique une nouvelle fois que selon les données à leur disposition, « aucun produit ou composé n’a été relié à tous les cas ». Celle qu’on appellera désormais, la « maladie mystérieuse », restera alors toujours une énigme pour les scientifiques.
Toutefois, pas de quoi empêcher la presse de continuer ses titres toujours plus dramatiques. Voltage écrit par exemple un article dont le titre est « Le premier décès lié à la cigarette électronique vient d’être enregistré », Maxisciences nomme l’un de ses papiers « Les effets nocifs de la cigarette électronique inquiètent les autorités américaines », tandis que Cosmopolitain titre « Vapotage : une jeune femme placée dans le coma artificiel ».
Septembre : de plus en plus de malades
Une dizaine de jours plus tard, le 3 septembre, un second décès est annoncé, cette fois-ci dans l’Etat de l’Oregon.
Le 4 septembre, la FDA qui s’empare du sujet, continue doucement son enquête et indique avoir repéré un composé similaire dans « presque tous les échantillons analysés ». Ce composé, l’acétate de vitamine E, serait utilisé en tant qu’agent épaississant dans certains produits contrefaits, et pourrait conduire à de graves problèmes de santé.
Le 6 septembre, dans l’Indiana, un troisième décès est annoncé. Point important concernant ces deux derniers trépas, les journaux UsaToday et le New York Times indiquent que les deux victimes auraient consommé des produits contenant du THC, peu de temps avant leur mort. Ce sera la première fois que le THC sera nommé et identifié par la presse comme potentiel suspect de cette « maladie mystérieuse » qui toucherait désormais, potentiellement 450 personnes. Des informations concordantes avec les dernières trouvailles de la FDA concernant l’acétate de vitamine E. Le même jour, le CDC donne une conférence durant laquelle il recommande aux vapoteurs d’arrêter de vapoter complètement le temps de leur enquête. De son côté, la FDA publie son propre communiqué, qui déconseille quant à lui aux vapoteurs d’inhaler des produits contenant du THC.
La FDA conseille aux vapoteurs de s’éloigner des produits contenant du THC
4 jours plus tard, le 10 septembre, un sixième décès est cette fois-ci signalé dans l’Etat du Kansas. L’occasion pour son secrétaire à la santé, le docteur Lee Norman, d’appeler à un arrêt de la vape :
« Si vous, ou quelqu’un que vous aimez, vapotez, arrêtez s’il vous plait. Le nombre de morts à travers le pays, et de personnes reportées malades, continue de s’intensifier », déclare-t-il ainsi.
Le 11 septembre, c’est au tour de l’administration Trump d’entrer en scène et d’indiquer sa volonté d’ « éliminer le marché des e-cigarettes aromatisées afin d’inverser l’épidémie très préoccupante de l’utilisation des e-cigarettes par les jeunes qui affecte les enfants, les familles, les écoles et les communautés ». C’est la première fois que les autorités de santé publique mélangent deux affaires qui n’ont pourtant rien n’a voir, celle de l’augmentation de l’utilisation des produits de la vape par les jeunes du pays, et les récents décès survenus.
Le NY Times averti que l’administration Trump souhaite interdire les arômes dans la vape
Les cas d’empoisonnements sont ainsi utilisés pour nourrir les argumentaires anti-vape de nombreux organismes de lutte contre le tabac, et dans beaucoup de villes américaines, les activistes anti-vape les utilisent afin de tenter de faire passer leurs mesures qui interdiraient, soit les e-liquides aromatisés, soit la vape dans sa globalité. C’est notamment le cas en Virginie, dans le Delaware, dans le Maryland, et dans de nombreux autres Etats du pays.
Le même jour, dans le comté de Kenosha, une descente organisée par les forces de l’ordre locales conduit à l’arrestation de deux hommes en possession de drogues, mais également de près de 130 000 cartouches d’e-liquides au THC artisanales, dont certaines « maquillées » en emballages de bonbons. Le shérif présent sur place se demande alors si l’activité criminelle des deux hommes pourrait être liée aux nombreux problèmes de santé connus par tous ces vapoteurs dans le pays.
USA Today fait part de l’arrestation de deux hommes dans le Wisconsin
Le 12 septembre, le CDC publie un nouveau communiqué qui confirme 380 cas de vapoteurs malades, dispersés à travers 26 Etats du pays. Un chiffre en diminution par rapport aux derniers communiqués par le New York Times car il ne prend en compte que les cas scientifiquement confirmés.
Le 15 septembre, Andrew Cuomo, gouverneur de l’Etat de New York, met un terme à la possibilité de vendre des produits de la vape aromatisés sur son territoire. Une décision qui survient quelques semaines après une première interdiction d’Etat prononcée dans le Michigan. Il déclare à l’époque qu’il est « évident » que les e-liquides sucrés « s’adressent aux jeunes et qu’ils sont très efficaces pour les cibler ». Ce sera la seconde fois qu’un officiel se servira des récents décès survenus dans le pays pour appliquer une politique anti-vapotage.
CNN rapporte que l’Etat de New York interdit désormais la plupart des produits de la vape aromatisés
Retour de la FDA le 19 septembre lorsqu’elle annonce mener une « enquête criminelle » sur la vague de maladies et de décès liés au vapotage, qui toucherait à présent 530 personnes et qui aurait causé la mort de 8 personnes.
A ce stade la presse généraliste continue d’inonder les réseaux de titres alarmistes, malgré l’avancé des différentes enquêtes qui tendent de plus en plus à démontrer que la majorité des vapoteurs malades avaient consommé des produits bien différents des e-liquides traditionnels. Parmi les plus frappants on retiendra « Cigarette électronique : une maladie inquiétante tue 5 personnes aux États-Unis » par Le Point, (qui titrera d’ailleurs, la semaine d’après, « cigarette électronique : il ne faut pas se tromper d’ennemi », ce qui prouve bien la tendance du journal à apprécier les titres racoleurs, voire faire exprès de créer l’angoisse pour ensuite la calmer quelques jours plus tard), « Elles ont failli me coûter la vie : le cri d’alerte d’une Américaine contre la cigarette électronique » du Nouvel Obs, ou encore « Cigarette électronique : du liquide se solidifie dans les poumons d’un jeune qui vapotait trop », par Cnews. Une liste qui est malheureusement très loin d’être exhaustive.
CNews affole la France à l’aide de ses titres racoleurs et inexactes
Le 24 septembre, c’est au tour du gouverneur de l’Etat du Massachusetts de passer l’Etat en « urgence sanitaire » et d’interdire pour une durée de 4 mois, tous les produits du vapotage.
Le 26 septembre, dans un nouveau communiqué, le CDC fait le point sur l’enquête. Il indique alors qu’à l’heure actuelle, 805 vapoteurs malades ont été recensés dans tout le pays, dont 10 sont décédés. Pour la première fois, il indique que certaines données « suggèrent que les produits contenant du THC jouent un rôle » dans cette affaire.
Le 27 septembre, l’AFP confirme enfin que les autorités américaines ont expliqué que les cartouches de vape au THC « jouent un rôle » dans les problèmes de santé connus par de nombreux vapoteurs américains.
Malheureusement, en France comme aux Etats-Unis, le mal est fait et certains professionnels du secteur font part de pertes de chiffre d’affaires pouvant atteindre 30 % sur les ventes, tant auprès des professionnels que des particuliers. Une situation que l’on peut (en grande partie) imputée à l’AFP, pour ses dépêches toujours plus alarmistes, et qui persistent encore aujourd’hui.
Le Monde avec AFP publie ici un titre alarmiste qui associe les cas de décès à l’utilisation générale de la cigarette électronique.
Octobre : malgré les avancées de l’enquête, l’hystérie continue
Le 3 octobre, malgré le fait que le CDC ait annoncé que le THC est certainement la cause de ces nombreuses maladies qui touchent plusieurs centaines de vapoteurs aux Etats-Unis, les médias continuent leurs titres aussi racoleurs qu’irresponsables. BFMTV titre par exemple ce jour-là, « Vapotage: une étude américaine évoque des poumons comme brûlés par des gaz toxiques », tandis que Le Parisien a quant à lui choisi « Vapotage : les poumons de malades américains comme brûlés par des gaz toxiques ». Une fois encore, les titres parlent de « vapotage » sans qu’aucune distinction ne soit faite entre le vapotage de liquides traditionnels, à la nicotine, et le vapotage contenant du THC, très marginal en France comme aux Etats-Unis. Les médias continuent ainsi d’alimenter la peur.
Malgré toutes les preuves qui tendent à indiquer que les liquides au THC sont responsables, la presse continue ses titres alarmistes.
Fort heureusement, en France, une alliée de taille dans cette bataille s’est invitée au débat, en la personne d’Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Lors d’une interview radiophonique sur RTL, la ministre a clairement indiqué que, concernant la vape, « nous ne sommes pas dans la même situation que les Etats-Unis », qu’elle explique beaucoup plus permissifs que la France en matière de législation dans le domaine. Une interview durant laquelle elle parle « de cas d’événements indésirables très graves (aux USA) avec des morts, parce que les gens utilisaient des huiles essentielles avec une toxicité pulmonaire », avant de rappeler qu’aujourd’hui en France, « la législation est beaucoup plus rigide » et que « nous n’avons pas aujourd’hui d’alerte sanitaire particulière ».
La tentative de sauvetage médiatique arrive tard et la population reste inquiète, comme en atteste cette capture d’écran qui montre les fréquences de recherche du public sur Google. Combien de temps faudra-t-il pour que les vapoteurs retrouvent la confiance qu’ils avaient pour leur vaporisateur personnel ? Et les moins bien informés d’entre eux, qui sont peut-être déjà retournés au tabac, reviendront-ils un jour à la vape ?
Les vapoteurs s’inquiètent et recherche des informations sur les décès survenus aux Etats-Unis
Ce qu’il faut retenir
- Malgré les titres alarmistes de la presse généraliste dans le monde, il n’y a aucune raison de s’inquiéter pour sa santé en tant que vapoteur français. Toutefois, l’ETHRA met en garde les vapoteurs Européens quant à la possibilité de voir débarquer certains de ces produits frelatés sur le vieux continent,
- D’après les informations que nous avons pu recueillir dans les médias, la grande majorité des consommateurs malades aurait utilisé des produits disponibles sur le marché noir et contenant de l’huile de THC et de vitamine E.
Concernant ceux qui expliquent n’avoir vaper que des e-liquides traditionnels, contenant de la nicotine, il est important de rappeler qu’il ne s’agit que d’informations déclaratives, et qu’il est ainsi tout à fait possible que ces personnes n’assument pas publiquement leur consommation de cannabis. Un point qui était d’ailleurs rappelé lors d’une conférence de la docteure Jennifer Layden, médecin-chef et épidémiologiste au département de santé de l’Illinois, qui rappelait que tout dépendait de « la capacité et la volonté » du patient de partager l’information.