Des microbes produisant de l’oxygène découverts : une nouvelle vie souterraine fascinante
Les eaux souterraines représentent près d’un tiers des ressources en eau douce de la planète, bien plus que les lacs, les rivières et l’atmosphère combinés, et dépassées uniquement par l’eau gelée des calottes glaciaires polaires. Autrement dit, près de la moitié de l’humanité dépend des eaux souterraines comme source d’eau potable. Cependant, malgré leur occurrence globale et leur importance essentielle, la connaissance des organismes qui y habitent et de leur survie reste mince.
Une récente étude menée par l’écologiste microbien Emil Ruff du Laboratoire biologique marin (MBL) a découvert que les eaux souterraines anciennes abritent non seulement des communautés microbiennes diverses et actives, mais également des quantités inattendues de cellules microbiennes. De manière impressionnante, certains de ces microbes semblent produire de « l’oxygène noir » (en l’absence de lumière solaire) en abondance telle que l’oxygène peut nourrir non seulement ces microbes, mais également peut fuir dans l’environnement et soutenir d’autres microbes oxygéno-dépendants qui ne peuvent pas le produire eux-mêmes.
L’étude a porté sur 138 échantillons d’eau souterraine prélevés dans 14 aquifères situés sous plus de 80 000 miles carrés de prairie dans la province d’Alberta, au Canada, une zone trois fois plus grande que l’Irlande. Le but était d’étudier la biogéochimie et l’écologie microbienne d’un large éventail d’environnements aquifères.
« On pense que la fuite d’oxygène noir dans les eaux souterraines pourrait avoir des conséquences très importantes pour la recherche sur le changement climatique », a déclaré le co-auteur Marc Strous de l’Université de Calgary. « Nous avons des indications selon lesquelles les microbes utilisent l’oxygène dans les eaux souterraines pour consommer du méthane, un gaz à effet de serre. Surtout dans la province d’Alberta, [le méthane est courant dans les eaux souterraines] et peut s’échapper du sol dans l’atmosphère. Nous chercherons maintenant à comprendre si et dans quelle mesure ces microbes empêchent l’émission de méthane. »
La présence d’oxygène est vitale pour la vie humaine, animale et microbienne. Cependant, la grande majorité de l’oxygène sur Terre est produite par la photosynthèse, dans laquelle les plantes et les microbes utilisent la lumière du soleil comme source d’énergie pour assimiler le dioxyde de carbone pour leur croissance. C’est pourquoi l’oxygène disponible pour les êtres vivants dépendants de l’oxygène est le fruit du travail des plantes. Néanmoins, il existe quelques rares processus chimiques et microbiens qui peuvent produire de l’oxygène en l’absence de lumière. Cependant, on pensait que de tels processus étaient très rares et ne se produisaient qu’à une échelle microscopique, l’oxygène produit étant immédiatement consommé. Ruff et ses collègues ont trouvé des preuves que de tels microbes producteurs d’oxygène peuvent être très abondants et actifs dans les écosystèmes d’eaux souterraines.
La source de l’étude : [Nature Communications](https://www.nature.com/articles/s41467-021-23352-w), auteur principal Emil Ruff du Laboratoire biologique marin (MBL).
En fin de compte, cette découverte, qui remet en cause notre compréhension actuelle des écosystèmes souterrains de la Terre, étend les limites de notre connaissance et pourrait aider à la compréhension de la manière dont les microbes réagissent à notre impact sur l’environnement.